Le 10 Octobre de cette année 2002 promettait d’être une belle journée. Le soleil se levait doucement sur la petite île de Donggwang et la vie reprenait doucement ses droits sur la ville endormie. C’est dans cette ambiance détendue et ensoleillée, à l’angle de la 7ème rue, dans une petite maison de brique blanche que Lee Yon vit le jour.

C’était un beau bébé, un très beau bébé même. L’infirmière qui prit soin d’elle gazouillait allègrement. « C’est une fille, madame. » Fit-elle en tendant la petite fille fraichement lavée à sa mère. « Elle est adorable ! Lui avez-vous déjà trouvé un nom ? ». La femme pris l’enfant et pinça les lèves, sans rien dire. « Madame ? » Insista l’infirmière « Vous devez lui donner un nom pour que je puisse remplir le formulaire de naissance »
La mère baissa les yeux puis se tourna vers la jeune femme.

« C’est une fille » murmura-t-elle.

« Oui » sourit l’infirmière. « Une très jolie petite fille »

Les yeux de la femme se plissèrent imperceptiblement et soudain, elle… laissa tomber le nourrisson
L’infirmière se jeta presque sur le lit juste à temps pour éviter au crâne du bébé de heurter contre l’une des barres de métal qui entourait l’édredon et étouffa un cri choqué.

« Ma…Madame ! »

Mais le regard de la femme était déjà tourné vers la fenêtre.
Le bébé se mit à gigoter et gémir.

« Madame ! S’il vous plait !»

Le regard vide de la mère se retourna une nouvelle fois vers l’infirmière puis se posa sur le nourrisson.

« Vous êtes toujours là. »

C’était une constatation, pas une question.

L’infirmière gigota nerveusement. « Que dois-je faire de cet enfant ? » murmura-t-elle.

« Mettez le autre part » fut la réponse « et trouvez lui un nom… pour ce que ça m’intéresse »

La jeune femme hocha la tête et sortit sans un bruit de la pièce.

Elle installa la petite dans une chambrette. Il y avait une large fenêtre sur la droite, partiellement masquée par de fins rideaux transparents. Une petite chaise à gauche, un petit lit au fond et c’était tout. La pièce était … vide.

Soupirant doucement, la jeune femme s’assit sur le lit et plongea son regard dans celui ambre du bébé qui la dévisageait. Elle sourit et caressa la joue toute douce du nourrisson qui lui attrapa le doigt et le porta à sa bouche.

« Non, non, non petite » chantonna l’infirmière en retirant son doigt.

Le bébé émit un bruit entre l’amusement et la protestation et l’infirmière la serra contre elle.
« Alors…comment allons-nous te nommer ? »

Le bébé ne répondit pas, bien sûr, et se blottit dans ses bras.
Un petit sourire si triste joua sur les lèvres de la jeune femme qui observa la petite pièce ou cet enfant allait devoir vivre. Elle scanna les murs blancs, les rideaux blancs et les meubles blanc avec une grimace. Elle se sentait enfermée.

Se redressant rapidement, elle emmena le bébé à la fenêtre et l’ouvrit grand. Elle respira un grand coup et observa un moment l’arbre imposant qui se tenait devant elle. Sur l’une des branches les plus hautes, une hirondelle était perchée.

La jeune femme plissa les yeux puis les ouvrit grand d’étonnement.

Pourquoi une hirondelle porterait-elle une fleur de lotus ?

Elle voulut vérifier que ce qu’elle avait vu était vrais mais trop tard, l’oiseau s’était envolé.

Son regard se posa ensuite vers l’enfant, endormis dans ses bras.

« Yon… » Murmura-t-elle en souriant. « Yon comme le lotus que j’ai cru voir le jour de ta naissance, petite fleur. Et si ta mère ne veut pas veiller sur toi, je le ferai. »
…
Trois jours après cette promesse, l’infirmière fut virée pour avoir laissé la petite fleur jouer avec des crayons de couleur.
…
Dans un grand lit aux couvertures blanches, une petite silhouette était recroquevillée sur elle-même. Un flash de lumière illumina la pièce et un grondement sourd fit trembler les murs.
« Maman » pleura l’enfant en tremblant. « Maman ! »

Mais personne ne vint.

Un nouveau flash et la petite silhouette se mit à sangloter plus fort.
Des gouttes de pluies frappaient violement la fenêtre alors que le tonner se faisait entendre une nouvelle fois.

La petite silhouette sortit doucement du lit, sursautant violement à chaque éclair et fit son chemin en trébuchant vers la porte de la chambre.

Dans le couloir, elle tomba et s’écorcha les genoux. Une petite plaie se forma mais elle n’y fit pas attention et continua à avancer.

« Maman… » Appela-t-elle en tremblant. La pièce devant laquelle elle se tenait était plongée dans la pénombre. Elle sanglota plus fort quand un nouvel éclair illumina la pièce. « Maman… j’ai peur » murmura-t-elle

Soudain, une haute forme se dressa dans l’encadrement de la porte et le visage de la fillette s’éclaira un instant. Avant que sa mère ne lui ferme violement la porte au nez.
La silhouette se laissa glisser doucement contre le mur et pleurant.

Le lendemain, sa mère lui donna un seau de javel pour qu’elle puisse nettoyer la petite tache de sang qu’elle avait fait dans le couloir en trébuchant.

Pendant qu’elle frottait avec ses petites mains, son regard se tourna vers un calendrier accroché au mur.
Lee Yon venait d’avoir 6 ans.
…
Un petit sourire jouait sur les lèvres d’une jeune fille fraichement diplômée. Son regard vagabonda par la vitre du train ou les paysages défilaient à toute vitesse. Bientôt, elle arriverait à Séoul, elle entrerait à l’université… et tout irai bien.

Son sourire s’agrandit et elle replaça une mèche rebelle derrière son oreille.
C’était un nouveau départ.
...

Les cours de chant à l’université étaient juste incroyables. Yon était dans tous ses états.
Elle venait de finir les deux dernières interrogations de la matinée quand l’une de ses amies l’avait entrainée de force pour une répétition improvisée.

C’était dans cette salle faiblement éclairée et remplie de micros en tout genre qu’elle l’avait vu. Il était accompagné, comme toujours, de son meilleur amis (qui était dans la même classe qu’elle).

Dans toutes les histoires à l’eau de rose, on lui avait parlé du coup de foudre, de l’instant magique ou on rencontre une personne qu’on aimerait de tout son cœur et franchement, elle n’y croyait pas du tout. Alors pourquoi son cœur s’était-il emballé comme ça ? Elle s’était sentie rougir violement en remarquant qu’il l’écoutait chanter et avait balbutié quelque chose à ses amies pour qu’elle puisse s’en aller au plus vite quand Jun Hyun, le meilleur ami de ce jeune homme, l’avait poussé vers elle et avait entamé une conversation.

Le garçon s’appelait Hiroki et il était… génial. Au plus ils parlaient ensemble, au plus elle se sentait tomber amoureuse de lui. Et puis il avait un si beau sourire ! Elle ne l’avait pas vraiment remarqué quand elle lui avait parlé à la cafeteria ou quand il venait chercher Jun Hyun mais maintenant… elle sourit en sentant son cœur battre très fort et une douce chaleur se rependre dans sa poitrine.

…

Hiroki et Jun Hyun avait rencontré la meilleure amie de Yon Lee dans une bataille d’eau assez mémorable et totalement folle.

Après quelques fous-rires, des vêtements trempés et des passants pas vraiment contents, Yon avait remarqué une sorte de petite étincelle dans les yeux de sa meilleure amie quand elle regardait Jun. Elle avait sourit.

Voilà qui promettait d’être intéressant.

…


Elle avait attendu tellement longtemps avant de se décider à lui faire sa déclaration à voilà qu’il pleuvait !

Yon s’était mordu la lèvre nerveusement quand elle avait vu le temps de cette fin d’après-midi. Un temps pareil, ça n’est pas vraiment idéal pour une déclaration. Et il était hors de question qu’elle s’abaisse au rang de simple lettre d’amour ! Elle devait lui dire…

Soupirant doucement, elle avait rapidement enfilé un pullover plus ou moins chaud et s’était appéter à braver la pluie quand un violent coup de tonner l’avait fait se figer.

La main crispée sur la poignée de la porte, elle avait commencé à trembler violement. Un nouvel éclair avait zébré le ciel, elle avait fermé les yeux, très fort et avait faillit renoncer.

…faillit.

Inspirant un grand coup, elle avait repensé à Hiroki et à son sourire, ignorant le tonnerre qui grondait toujours et un sourire courageux s’était dessiné sur ses lèvres.

Elle pouvait le faire…

Ouvrant la porte à la volée, elle s’était élancée sous la pluie battante et avait commencé à courir.

…

Quand elle était arrivée à son dortoir, ses yeux pétillaient et un sourire immense fendait son visage. Elle l’avait fait ! L’envie soudaine de faire une danse de la joie avait faillit lui faire oublier ou elle était mais un rapide coup d’œil vers la porte de son amoureux l’avait ramené à la raison.

Doucement, elle s’était approchée et avait osé frapper quelques petits coups, le cœur battant.

…

La tête d’Hiroki quand il l’avait vue était mémorisable. Elle avait presque regretté de ne pas avoir pris d’appareil photo.

Il l’avait fait entrer rapidement et lui avait proposé une douche… au début, elle n’avait pas compris pourquoi mais un désagréable frisson lui avait fait se rendre compte qu’elle était trempée et frigorifiée.

Elle avait accepté avec joie et, à son retour, elle était vêtue d’un jogging et un épais sweet-shirt appartenant à Hiroki. Tout les deux étaient trop grands mais elle s’en moquait, elle se sentait bien.

Rigolant doucement, elle se souvenait de la super excuse de Jun Hyun pour les laisser seul. Son meilleur ami était juste incroyable !

Sa déclaration ? Bien sur qu’elle la fit ! Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien quand même. Et dans la chaleur de leur étreinte, elle lui avait avoué sa peur des orages et ce qu’elle avait du traverser pour arriver jusqu’à lui. Elle lui avait tout raconté… sauf son enfance. Ce petit morceau de douleur lui appartenait. Jusqu’à ce que quelqu’un le trouve.

Quand il l’avait relâché, il lui avait sourit et l’avait juré de la protéger. C’était tout ce dont elle avait besoin…

…

Quand elle avait su pour Jun Hyun et sa meilleure amie, elle avait été tellement heureuse. Ils étaient devenus inséparables. Toujours ensemble pour manger, sortir, rigoler. Un groupe de 4 amis très soudé et heureux.

Yon souriait tout le temps, vivait comme elle n’avait jamais vécu et avait presque totalement vaincu sa phobie des orages.

Son passé lui semblait si loin.

Mais un jour, un gros nuage sombre vint obscurcir le ciel si bleu qu’était devenue sa vie.

Un proverbe disait que les meilleures choses ne duraient jamais et qu’au plus on est heureux, au plus dur la chute sera dure.

Le pire jour de son existence ainsi qu’à celle de ses amis.

…

Tout avait commencé normalement. Jun Hyun, sa copine et Yon étaient partis en ville pour faire du shopping. Hiroki était censé les retrouver en ville plus tard dans la journée quand Jun Hyun avait reçu un appel…

Hiroki était tombé malade et n’arrivait pas à se lever.

Yon étouffa un petit rire quand elle entendit la façon dont son ami remballait gentiment son amoureux et soupira. Elle avait eut très envie de retourner chez Hiroki pour s‘occuper de lui mais elle devait absolument passer à la poste et chez le teinturier…

Elle avait sourit et avait commencé à presser le pas. Au plus vite elle aurait fini ici, a plus vite elle pourrait retourner près de son amoureux.

…

Tout s’était passé vite, beaucoup trop vite !

Une seconde avant, elle était avec ses deux meilleurs amis dans la rue en train de rigoler sur les derniers potins de l’école et l’instant d’après, elle s’était retrouver sur une chaise d’hôpital, les bras autour de sa meilleure amie en train de pleurer.

Des larmes douloureuses roulaient toujours sur ses joues quand elle avait prit son téléphone portable.

Une sonnerie, deux sonneries…

« Oui ? »

La voix de son amoureux lui avait donné envie de fondre en larme. Elle ne savait même pas comment elle avait fait pour articuler quelque chose.

« C’est…c’est…Jun Hyun…on s’est fait attaquer…il a perdu énormément de s…s…sang ! »

Pour toute réponse, Hiroki avait raccroché. Yon avait serré sa meilleure amie contre elle en essayant d’arrêter ses larmes. Hiroki était en chemin, tout allait s’arranger.

…

Ce n’est que quelques minutes après que Yon l’avait aperçu dans le hall d’entrée, hurlant sur une vieille infirmière.

« Oppa… » Avait-elle murmuré. Quand il la prit dans ses bras, elle avait soupiré et s’était légèrement détendu contre son torse. Mais elle n’eut pas vraiment le temps de décompresser qu’un médecin était entré dans le hall.

« Vous êtes bien les proches de Lee Jun Hyun ? »

« Oui » répondit Hiroki

Le docteur avait sortit une fiche et l’avait observé quelques minutes avant de les regarder…

« Votre ami a fait une hémorragie interne. Nous avons fait tout ce que nous avons pu. Il est décédé il y a une dizaine de minutes. Je suis vraiment désolé. »

…non…

Non…

Non !

Yon n’était plus vraiment là. Elle voyait sa meilleure amie souffrir, elle voyait son amoureux hurler mais elle n’entendait plus rien. Elle avait sentit ses jambes flancher, une boule faire son chemin jusqu’à se gorge et son cœur se tordre douloureusement dans sa poitrine. Jun Hyun était mort. Jun Hyun était mort et il ne reviendrait plus… Les larmes coulaient maintenant abondamment sur ses joues. Son meilleur ami n’était plus de ce monde…

Dans un éclair de lucidité, elle s’était jetée sur sa meilleure amie pour l’étreindre de toutes ses forces, tenter de calmer une douleur qui ne partirait certainement jamais et essayer de reprendre pied dans son monde qui venait de s’effondrer.

Quelque part dans son esprit embrouillé, elle entendit le docteur dire quelque chose

« Soyez polis et je vous l’amènerai »

Connaissant son amoureux, il n’allait pas du tout se calmer. Elle avait donc fait son chemin silencieusement jusqu’à lui et lui avait mis une main sur son biceps.

« Fais ce qu’il te dit, oppa ! »

S’il avait continué à s’énerver comme ça, les médecins auraient pu décider de ne pas les laisser voir le corps… et elle ne l’aurait pas supporté.

Mais au lieu de se calmer, Hiroki était partit en courant et elle avait eut trop peur pour le rejoindre…

Au lieu de ça, elle était restée près de son amie et l’avait ramené chez elle. Tout au long du voyage, elle avait retenu ses larmes et soutenu son ami qui ne savait presque plus marcher.

Ce ne fut que quand elle fut seule dans sa chambre qu’elle s’était effondré et avait pleuré jusqu’au matin.

…

Yon n’avait revu sa meilleure amie que deux fois ensuite. Une fois dans la rue, une autre lors de son départ pour la Thaïlande. Elle était partie soigner sa dépression nerveuse. Sincèrement Yon avait espéré qu’elle reviendrait en meilleure forme. Mais depuis, elle ne l’avait jamais revu.

Yon s’était marié.

Elle avait fait une fausse couche.

Et elle avait commencé à avoir peur de son mari qui avait tellement changé depuis ce fameux jour…

Et elle l’avait quitté.

Fin de l’histoire.

Et maintenant ?

Maintenant, elle s’en veut tellement. Elle repense tous les jours au jour ou elle était partie. Comment avait-elle osé laisser tomber l’homme qu’elle avait aimé plus que tout au monde. Si elle avait été plus la pour lui, rien de tout ça ne se serait passé. Si elle avait su réagir plus vite, Jun Hyun serait encore en vie

Une larme amère roula sur sa joue alors qu’elle observait la capsule. Son regard se fit déterminé et le premier sourire depuis longtemps s’étira sur ses lèvres. Tout irait bien. Elle pouvait recommencer là ou elle avait échoué… et elle n’allait certainement pas s’en priver..