Alcohol kills slowly but who cares ? We're not hurry

Mi Ae, fatiguée ? Non, jamais. Ce n'était pas comme si six jours s'étaient déjà écoulés depuis le débarquement, ni comme si la soirée précédente avait été épique. Absolument aucune raison de se promener sur la plage, sandales à la main, à regarder paisiblement la lune se refléter sur l'eau mouvante comme les ondulations d'un serpent tentateur. Même vêtue d'un simple short et d'un gilet transparent par-dessus un maillot bleu, la belle avait chaud. Assez pour relever ses cheveux de sa main libre pour mieux coller ses extrémités froides sur sa nuque bouillante. Ces vacances n'étaient pas la pire chose qu'elle avait vécu, non. Mais de là à dire que c'était un rêve en couleur, on en était encore loin. Pour autant, elle avait fait des rencontres. Parlé plus souvent que d'habitude. Même ses phrases avaient réussi à dépasser les trois mots habituels, la faisant presque passer pour une autre personne que l'intouchable demoiselle qui évoluait d'ordinaire à Séoul, soigneusement protégée par le nom de sa famille. Non, c'était juste que... Ce sixième jour était arrivé à point nommé. Un peu de calme et de solitude ne pouvaient pas la tuer, loin de là. Le sable fin se glissant chaudement entre ses doigts de pied avait un côté agréable. L'envie de sauter par-dessus les vagues devenait tentante. Personne ne pouvait la voir, après tout, si ? Dans un léger sourire, la jeune fille s'approcha de l'eau et laissa échapper un rire amusé quand le liquide vint lui effleurer la peau. Les lumières lointaines arrivaient à peine à couper la lueur irréelle de la lune, sa silhouette se découpait de peu sur l'horizon infini qui s'offrait à ses yeux, trop sombre pour parler d'infinité. Tout est bien qui fini bien. Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants. De petits crabes, par exemple. Ou peut-être quelques étoiles de mer dont l'unique chance de survie était d'observer les étoiles du plus profond de l'eau. Jusqu'où pourrait-elle bien marcher jusqu'à ne plus avoir pied ? A quelle limite son corps abandonnerait-il la lutte et se laisserait porter puis couler vers des abysses encore inconnus des hommes ?

La coréenne en était là de ses réflexions quand elle entendit un bref grognement pas très loin d'elle. Tournant lentement la tête tout en plissant ses yeux de chat, la photographe fouilla l'obscurité du regard. Non pas que ce fut difficile de distinguer quoique ce soit, depuis le temps qu'elle marchait dans le noir, mais chercher une forme humaine était autrement différent qu'observer les astres nocturnes, ce qui expliquait les quelques pas qu'elle fit vers la source du bruit avant de trouver ce qu'elle cherchait.

MI AE ▬ Sérieusement... Jun Ho Oppa ? »

Lui-même, plus quelques bouteilles d'alcool qui normalement n'avaient rien à faire là. Soyons sérieux deux minutes : D'habitude, la visiteuse du futur n'imaginait pas ses superhéros préférés en train de se prendre une généreuse cuite, quand bien même le cadre était-il assez idyllique et tranquille pour se le permettre. Ce n'est qu'après avoir soigneusement posé ses chaussures sur le sable que la belle fit quelques pas de plus vers l'unique personne de sa connaissance qui n'avait pas peur de se lancer dans une bagarre dans le seul but de sauver la veuve et l'orphelin. Déjà qu'elle ne l'avait presque pas vu de la semaine, alors le retrouver dans cet état dans un coin aussi paumé, ça relevait du... Non, pas du miracle. Un homme en train de s'enchainer Dieu sait quoi d'alcoolisé dans un coin paumé relevait plus de la malchance qu'autre chose, même quand on ressentait pour lui une certaine pointe de respect, voir même d'admiration.

MI AE ▬ Dites-moi que c'est juste du soda transféré dans la mauvaise bouteille... »

En moins de temps qu'il en faut pour le dire, c'est-à-dire deux minutes et trois secondes pour prendre l'arme du crime et la porter à ses lèvres, la photographe eut sa réponse et la grimace qui l'accompagnait. Ne restait plus qu'à lui remettre la tête sur les épaules à force de remontrances, maintenant. Et ne pas se rendre malade avec une seule gorgée, aussi. Plus facile à dire qu'à faire, rien que ça suffisait à lui faire légèrement tourner la tête, suffisamment que pour pousser un léger gémissement dans la nuit en serrant d'autant plus fort le contenant de peur qu'il ne vienne à l'idée du jeune homme de le récupérer. Quelle idée aussi de se la jouer loup solitaire criant à la lune quand on cède à son pêché mignon, hein ?

MI AE ▬ Aigoo... Qu'est-ce que c'est que ça ? »

Seigneur Dieu, ce truc avait un goût horrible, presque sirupeux sur la langue, et... Fort. Beaucoup trop fort quand on avait une tendance à ne pas tenir l'alcool du tout. Comme quoi, plusieurs années de fêtes en haute compagnie n'immunisait à rien. Ni à ça, ni à la surprise de voir son sauveur attitré dans un état aussi pitoyable. Impossible de se retenir : La brune haussa un sourcil en serrant un peu plus fort la bouteille entre ses doigts fins. A croire qu'on ne pouvait pas faire phalanges plus blanches, ni grimace plus poussée que celle qu'elle aborda dès que l'objet du délit quitta sa main pour en revenir à son juste propriétaire. Au moins avait-il retiré ses lunettes de soleil sans trop plisser les yeux, c'est qu'il devait être encore relativement sobre. Enfin, façon de parler.

JUN HO ▬ Hey, Mi Ae ! Toi ici, toute seule, ça alors !
MI AE ▬ ... Tu en as bu combien ? »

Pure question rhétorique. Vu l'état, sans doute la presque totalité de la bouteille qu'il berçait comme un bébé trop fragile pour vivre sa vie de lui-même. Après tout, ce n'était pas comme si il l'avait déjà vue accompagnée, sinon pour se prendre quelques coups probablement mérités, tout du moins aux yeux des hommes qui ne supportaient pas d'être ignorés ne serait-ce qu'une seule seconde. Ceci dit, ça ne l'avait pas dérangé la première fois pour se montrer plus que sociable alors même qu'il venait de mettre quelques mecs au tapis juste sous son nez. Encore heureux pour lui qu'elle n'ait pas prit la fuite en voyant le sang sur ses poings et son sourire aussi large que celui qu'il arborait maintenant. L'air de crétin lui allait bien, définitivement.

JUN HO ▬ Dis-donc t'as une sacrée descente ! Mais t'as de la chance... »

Descente involontaire, notez bien. Une légère naïveté lui avait quand même laissé l'espoir, durant quelques instants, qu'il n'y ait réellement que du soda ou, mieux, de l'eau dans la bouteille. Ce qui ne l'empêcha pas de faire les gros yeux en le voyant sortir son trophée de sa poche arrière.

JUN HO ▬ ... J'ai tout prévu ! »

Sérieusement ? Sérieusement. Si jusque là le coup avait semblé rattrapable, là, c'était terminé. Il était mort. Définitivement. De toute façon, ce n'est pas comme si elle eut le temps de vraiment réfléchir à une solution salvatrice avant qu'il n'attrape son poignet pour l'asseoir de force à ses côtés. Ou qu'il la fasse tomber, plus exactement, ce qui arracha à la brune un petit cri tandis qu'elle se rattrapait de son bras libre pour ne pas venir se manger les grains de sable. Aussi beaux qu'ils soient, presque blancs sous la lueur nostalgique de la lune, ils n'en restaient pas moins non comestibles pour tout être humain sensé.

MI AE ▬ Hya, Oppa ! »

Traduction dans le langage d'une inapte sociale : Qu'est-ce que t'es en train de faire là ? Plus facile à penser qu'à présenter à haute voix, vu son état. Avec sa chance, il en était déjà au stade où tout ce qui sortait d'ailleurs que de sa bouche était flou. Même les vagues argentées qui venaient caresser ses pieds devaient être fantasmagoriques pour lui, et à tous les coups la mousse salée qui y pointait son nez devait sans doute lui sauter au visage. A moins que ce soit elle ? ... Peut-être. Bizarrement, le sol était plus proche qu'il n'aurait dut l'être quelques minutes plus tôt seulement.

JUN HO ▬ Alors, comment ça va ? T'as fait des rencontres intéressantes, ici ?
MI AE ▬ Étranges, en fait. Des gens que je ne pensais pas rencontrer un jour. D'autres que j'aurai préféré pouvoir éviter toute ma vie. Mais... »

Et après ? Vous n'aviez pas cru qu'elle allait dire son dernier mot juste parce qu'il avait décidé de reprendre sa bouteille, n'est-ce pas ? Se plaquant contre lui afin de s'assurer une meilleure prise, la coréenne reprit la bouteille en fronçant les sourcils et... La porta de nouveau à sa bouche, tout en s'écartant en crabe de son compagnon afin de s'assurer qu'il n'allait pas la lui reprendre de si tôt. Le temps de la vider, en fait. C'était mauvais. Et ça... Tournait... En fait, le monde ne lui avait jamais semblé aussi lointain que cette nuit, alors même qu'elle sentait encore vaguement le sol sous son corps. Boisson du diable ! D'une dernière goulée, Mi Ae reprit sa respiration avant de lâcher un misérable :

MI AE ▬ Tu vas arrêter de boire, oui ?! T'es déjà dans un état pitoyable ! »

Parce que toi non ? Restons réalistes, une fille allongée sur le sable fin, à moitié nue, en pleine nuit et avec une bouteille de rhum vide en main, c'était pas la position la plus enviable du monde. Bah, elle s'en fichait ! C'était pas lui qui allait discuter, quand même. Et puis elle ne se sentait pas mal du tout. Du tout. C'est juste le sable qui se rapprochait de sa tête, pas le contraire. D'un autre côté, paix à son âme d'écologiste, elle n'avait même pas eut l'idée de vider l'alcool à terre.

MI AE ▬ J'espère p-pour... Je veux dire... Toi... Aucune chan-chance que tu rencontr-tres quelqu'un dans un état... Pareil ! »

Question idiote : Mi Ae, tu comptes aussi vider la seconde bouteille pour le bien de ton ainé ?

Des étoiles filantes, partout, qui poussaient à enchainer tous les rêves de la terre. Sauver Hana en la persuadant que les achats en ligne, c'était le top. Empêcher Sei Hwan de se faire tuer en lui faisant comprendre qu'il s'acharnait vraiment pour rien. Une petite prière pour le sublime guitariste qui occupait sa chambre, un journal partagé en main. Et elles se rapprochaient comme des feux d'artifices dont le sable était devenu le ciel, poussant la coréenne à fermer les yeux pour ne pas être éblouie.

JUN HO ▬ Roooh, hey ! Non mais tu t'es vue ??
MI AE ▬ J'ai pas de... Miroir ! »

Logique inattaquable qu'elle lui balança en roulant sur son flanc pour mieux le regarder, le narguer d'un bras dressé victorieusement avec la bouteille vide dans sa main. C'est qu'elle était fière, en plus, d'avoir accompli cette descente sans même en perdre une goutte. Enfin, sauf les deux qui coulaient lentement de ses lèvres à son menton, preuves de son manque d'expérience à boire un truc comme ça de cette façon. Qu'importait ? De toute façon, elle était toujours dans un meilleur état que lui pour faire des connaissances, ce qu'elle ne se gêna pas à lui faire remarquer, bien maladroitement cela dit. Oh et puis, qui s'en souciait ? Dans un petit rire amusé, la belle brune se mit à rouler sur les francs pour se rapprocher à nouveau de son ainé, plongeant son regard dans le sien alors qu'elle manquait presque de lui grimper dessus. C'est que ce traître s'avalait une rasade, là, sans elle. Même pas la galanterie de lui en faire passer quelques gouttes. Avec cette chaleur, elle avait chaud. Réagissant au moindre stimuli, Mi Ae s'assit sagement à côté de Jun Ho pour mieux retirer son gilet transparent et galérer contre son short en jean qui termina sa route dans un coup de pied rageur.

JUN HO ▬ C'est quoi cette histoire de gens que tu voulais éviter toute ta vie ? Comment tu peux dire ça alors que t'as vécu quoi... 20 ans ? Vas-y donne-moi des noms, que j'aille leur refaire le portrait !
MI AE ▬ Qua... Quarante... Neuf ans, Oppa ! »

Non, franchement, la jeune femme n'était plus dans le même monde que son ainé. Ce n'est qu'en laissant retomber sa jolie tête brune sur son torse qu'elle poussa un soupir proche du sanglot. Elle était de nouveau vieille, incapable de bouger de son lit. Proche de la mort pour l'avoir réclamé bien trop souvent sans que celle-ci ne la juge digne. Les éclats rouges et dorés disparaissaient de son champs de vision, ne laissant là que la chute des étoiles dans le sable. Ploc, ploc. Une pluie d'étoiles. De rêves qu'elle ne serait pas capable d'attraper, même si elle essayait d'en faire la chasse comme on poursuit les papillons.

MI AE ▬ T-tu devr... Devrais le sa-sav-savoir, Oppa ! »

En effet, ça coulait de source. Comme la marée qui remontait lentement pour les entrainer avec elle vers ses insondables abîmes. De fait, complètement dans son délire, la photographe se redressa d'un bras pour mieux fixer son vis-à-vis. Lui aussi, il n'était pas là. Où était-il, alors ? Ça n'avait aucun sens. Mais sans Chang, plus de contraintes. L'espoir de repartir de l'autre côté sans rien regretter. Ou de rester éternellement bloquée dans ce rêve ? Et dans un rêve dans un rêve ? Strates superposées qui lui faisaient perdre le large. La réalité. Pourquoi sa tête tanguait autant qu'un navire ?

MI AE ▬ Im Chang Min... J'ai ça en colocataire ici. Il veut juste... Tout ? »

D'un geste peu assuré, elle se désigna de bas en haut, ne manquant pas de bien appuyer sur ce qui se cachait sous son maillot à présent totalement offert aux rayons lunaires. Chang Min la voulait. Pour s'amuser. C'était de sa faute si tout avait explosé en morceau et que Sei Hwan était mort. Sa faute, parce qu'il avait attiré l'attention de la rebelle de la famille. Désespérée, Miu replaça sa tête là où elle se trouvait précédemment, ouvrant grand la bouche.

MI AE ▬ L'al...All... Alcool. Donnes. »

Et de jouer au poisson, ou à une petite brebis décidée à recevoir son biberon. Pour aller mieux, il fallait descendre plus profondément. Pure évidence. Alors pourquoi était-il en chute libre, lui aussi ? Au final, c'est avec la compréhension étrange des personnes bourrées pour un rien que la brune reprit la parole :

MI AE ▬ Pourquoi tu te mets dans un état comme ça ? »

Murmuré au creux de l'oreille, atteint Dieu sait quand.

Elle était complètement saoule. Et elle n'appartenait pas aux catégories de filles bourrées que j'avais connu jusque là - ni gémissante, ni gloussante comme une poule, ni violente, ni vulgaire... Non, en fait on aurait dit que l'alcool avait ouvert des digues dans son cœur et maintenant elle se confiait... sauf que je ne comprenais rien à ce qu'elle racontait. Les mots avaient du sens, mais le sens général m'échappait - peut-être parce j'étais moi-même plus très frais.

- Qua... Quarante... Neuf ans, Oppa !

Elle se roulait dans le sable, se collait à moi pour mieux attraper la bouteille, et buvait. J'aurais dû l'arrêter, jeter la bouteille à la mer pour qu'elle y soit engloutie et avec elle tout ce qui pesait sur les épaules de Mi Ae... mais j'étais trop fasciné par ma nouvelle amie en train de se désaper sans complexe, se retrouvant simplement en maillot. Si elle n'avait pas eu l'air aussi malheureuse, blottie contre moi, j'en aurais plus profité... mais en fait, l'ambiance était tout simplement triste. Quarante-neuf ans ?? Elle avait fumé un truc en plus de boire ? Pour une femme de quarante-neuf ans en tout cas, elle était drôlement bien conservée... mais c'était le truc le plus bizarre que j'avais jamais entendu chez une fille bourrée.

- T-tu devr... Devrais le sa-sav-savoir, Oppa ! Im Chang Min... J'ai ça en colocataire ici. Il veut juste... Tout ?

Je lui saisis les poignets pour éloigner ses mains de son corps. Y'avait des trucs qu'il fallait pas faire. Il avait du self-control, mais quand même... Il était en train de désaouler à vitesse grand v, sauf qu'en même temps, sa tête s'embrumait d'autre chose, de la douleur ressentie tout à l'heure sur la plage avec Young Nae, de la colère, de l'inquiétude pour Mi Ae qui avait des problèmes et que seul l'alcool parvenait à révéler... demain matin, quand elle serait de nouveau elle-même, plus rien ne franchirait ces lèvres, plus rien sur sa tristesse, sur Im Chang Min, et qui c'était celui-là, d'abord ??

Elle se redressa, attendant la bouteille, la bouche entrouverte, l'air complètement abandonné. Si elle n'était pas tombée sur lui, si elle était tombée sur n'importe quel autre type, j'osais même pas imaginer ce qui lui serait arriver.

- Pourquoi tu te mets dans un état comme ça ?

- Et toi alors ? C'est qui ce gars qui en veut à ta magnifique poitrine ? Si tu veux un conseil, ne bois pas avec lui. Autant de passer un ruban de papier cadeau autour du cou...

Je relevai le bras, mettant la bouteille hors de sa portée, lui tenant l'épaule de l'autre main.

- Tu sais que j'ai déjà tabassé des mecs pour toi, je peux recommencer, ça me pose aucun problème !

Je bus une nouvelle rasade, pour... pour quoi ? Oublier, sûrement, mais à voir Mi Ae, l'alcool ne faisait rien oublier, au contraire, il ramenait tout à la surface, tout ce qui faisait mal.

- Tu sais, moi chuis... chuis juste énervé. Y'a des choix qui sont juste impossible à faire.

De nouveau je levai le bras histoire d'éviter un de ses gestes intempestifs. C'était qu'elle était rapide à m'arracher la bouteille de la main, et à mon sens, elle avait assez bu. Peut-être qu'au matin, il y aurait des choses qu'elle allait regretter de m'avoir dit, et ça me désolait pour elle. Mais ce qui était dit, était dit. Et retenu, aussi.

C'était amusant. Voir complètement délirant. Depuis quand les étoiles explosaient-elles en feu d'artifice sur une plage abandonnée ? Bah, allez savoir. Elle s'en moquait : C'était juste joli, assez pour détourner son attention de la bouteille d'alcool pendant plusieurs secondes, un discret petit sourire aux lèvres. C'était comme ce jour où elles avaient redécoré la rue avec Hana. Coloré et joyeux, sans pour autant arriver à pénétrer sincèrement son cœurs. Le menton sagement posé sur le torse de son ainé, Mi Ae parlait. De rien. De tout, en particulier, sans trop savoir pourquoi, ni même en prenant conscience que c'était le type de choses qu'elle ne devait justement pas dire. Parler du voyage dans le temps, c'était mal. Très mal. Quelle vilaine fille elle faisait, vraiment. Et de fait, elle en arriva à la personne clé du sujet, ici nommé Im Chang Min et son besoin permanent de draguer tout ce qui bougeait pour mieux les abandonner dans les pires situations possibles une fois son affaire faites. D'ailleurs, est-ce qu'elle avait déjà cédé à cette époque ? Oh, sans doute. Ça ne changeait rien, et c'est en soulignant son corps qu'elle partit sur le sujet, la voix aussi vacillante que l'avait été le bateau à l'approche de l'île. Par contre, surprise ! Voilà que sans l'avoir calculé une seule seconde comme potentielle menace à sa libre expression, Jun Hoo venait de lui saisir les poignets comme il aurait menotté une criminelle pour... Les éloigner d'elle. Pourquoi faire ? La tête penchée de côté, elle regarda alternativement cette poigne et le visage de son protecteur avant de froncer les sourcils. La brune n'avait pourtant pas l'impression d'être détentrice d'un objet dangereux, voir mortel. Au fond, elle n'avait fait que frôler ses courbes pour mieux faire comprendre sa phrase, et... Oh, tant pis. Il avait bien le droit de s'amuser lui aussi, non ?

Ce n'est qu'après avoir récupéré une position propice à tout qu'elle le regarda à nouveau, le regard un peu vague. Une larme au coin de l'œil également, à moins que ce ne fut juste un peu d'eau salée ayant coulé à l'envers ? La joue contre les biceps du brun, la brune s'était contentée d'ouvrir un peu la bouche, à l'image d'un bébé, pour réclamer sa dose d'alcool qui, en l'occurrence, ne lui fut pas donnée. Bon, ben restait qu'à se déplacer dans cette position pour mieux lui poser la question existentielle du moment, dont la réplique fusa tout aussi vite. C'était une idée où il était plus vif qu'elle, là ?

JUN HO ▬ Et toi alors ? C'est qui ce gars qui en veut à ta magnifique poitrine ? Si tu veux un conseil, ne bois pas avec lui. Autant te passer un ruban de papier cadeau autour du cou...
MI AE ▬ Tu la trouves magnifique ? » Temps de réflexion. « Mais je ne peux pas te la donner... Non, Oppa... Et puis j'ai... Déjui... Déjan... Déjà bu av-avec lui. Pourquoi pas ? Souvent, et... Auu~ la bouteille... »

Ne jamais demander à quelqu'un qui ne tient absolument pas l'alcool de tenir une conversation normale sans se détourner au moindre détail. Là, Miu était déjà partie, et son bras se tendait allègrement le long de celui du futur policier. Persuadée que plus elle s'en approchait, plus le bras en question semblait s'allonger. Désespérant.

JUN HO ▬ Tu sais que j'ai déjà tabassé des mecs pour toi, je peux recommencer, ça me pose aucun problème !
MI AE ▬ C... Shé tro-trop tard. Il l'a... Il l'a... Tu-tué... »

Pourquoi ce qui était mauvais remontait toujours plus vite et plus facilement que ce qui était beau ? Ne pouvait-elle pas voir des éléphants roses à la place ? D'un abandon flagrant, la coréenne roula sur le sable puis se battit avec ce dernier pour parvenir à redécouvrir ses deux jambes.

JUN HO ▬ Tu sais, moi chuis... chuis juste énervé. Y'a des choix qui sont juste impossible à faire. »

De fait, c'est avec un équilibre très moyen qu'elle se saisit à nouveau de la bouteille rescapée avec laquelle elle s'éloigna en vacillant. Plus proche de la mer. De l'eau. Le bout de ses orteils, puis ses chevilles. De ses mollets à ses cuisses, il n'y avait qu'un pas, et le rhum était encore in touché. Non, la belle préféra attendre son gracieux demi-tour qui la mena droit vers les eaux, ce qui ne l'empêcha pas de se relever aussitôt, trempée mais pas dérangée pour un sou.

MI AE ▬ Co-Comme... Sauver la bouteille... Ou moi ? »

Sans vraiment se soucier de la réponse, l'étudiante se retourna pour faire de nouveaux pas incertains dans l'eau. Caresses sur sa taille fine. Froid de l'eau sur ses seins. La limite de sa nuque, lui permettant tout juste de maintenir l'objet hors de l'eau.

MI AE ▬ Qu-qu-quel genre de ch-choi-choix ? » L'eau était glaciale de nuit, en fait. « Je n'ai rien à... Faire ici... » Chuchota-t-elle d'un ton plus bas derrière. « Oppa, quelle profondeur avant d'être jugée... ? »

- Tu la trouves magnifique ? Mais je ne peux pas te la donner... Non, Oppa... Et puis j'ai... Déjui... Déjan... Déjà bu av-avec lui. Pourquoi pas ? Souvent, et... Auu~ la bouteille...

Est-ce que ses paroles appelaient une réponse ? Pas vraiment. A ce stade de la conversation, j'avais renonçé à comprendre. Apparemment tout se mélangeait, même dans sa tête à elle, alors il faudrait du temps et vachement plus de détails pour que ça prenne forme dans ma tête à moi. Le passé, le présent, le futur... est-ce qu'elle savait seulement où elle était ? Moi, je retenais simplement le principal. Comme une enquête de police, se contenter des informations cruciales. Des noms. Im Chang Min. Des faits. Ils se connaissaient trop bien, et c'était lui la source de sa tristesse. Pas besoin de plus. Plus tard, demain peut-être, ou dans une semaine, je lui poserai la question. Elle ne pourrait pas faire comme si elle ne voyait pas de quoi je parlais. Elle ne pourrait pas se cacher derrière sa froide distance et sa douce apathie. Mais pour ce soir il n'y avait rien à dire, rien à faire d'autre que de la laisser parler, puisque c'était ce dont elle avait besoin. L'alcool déliait les langues, entre autres choses, et les secrets divulgués sous le coup d'une bouteille de rhum étaient précieux.

- C... Shé tro-trop tard. Il l'a... Il l'a... Tu-tué...

Encore une phrase bien singulière. Encore une information que je classai illico dans mon petit cerveau. Je la regardai se rouler dans le sable, se secouer, se lever. S'emparer de la dernière bouteille. C'était comme regarder un film en VO sans sous-titre. Je ne comprenais pas ce qu'elle disait et pourtant, en cette seconde, c'était ce qui comptait le plus. Je ne comprenais pas ce qu'elle racontait, et donc je ne comprenais pas la situation elle-même. Et difficile aussi de prévoir ses faits et gestes. Difficile de savoir ce qui lui passait par la tête en quelques secondes. A un moment, je la regardai s'approcher de l'eau en me disant naïvement qu'elle allait simplement se mouiller les orteils, la seconde d'après, elle s'immergeait complètement en murmurant des mots que seul la brise m'apporta :

- Qu-qu-quel genre de ch-choi-choix ? Je n'ai rien à... Faire ici... Oppa, quelle profondeur avant d'être jugée... ?

Je me levai d'un coup, courus vers elle, entrer dans l'eau sans ralentir - et bon sang qu'elle était froide ! L'alcool que j'avais dans le sang me faisait vaciller et j'avais l'impression que la mer elle-même me repoussait, refusait que j'arrive jusqu'à Mi Ae. Comme si celle-ci avait franchi une limite et qu'elle appartenait à la mer à présent, et plus à moi. Et puis soudain, plus de résistance, le courant me souleva, m'amena jusqu'à elle,qui déjà n'avait plus pied et se laisser flotter mollement. Même pas un mouvement. Comme si ça n'avait pas d'importance.

Mon bras se tendit, s'enroula autour de sa taille, la tirant à moi, l'arrachant aux eaux ténébreuses, du moins à la vague qui allait l'engloutir. Ce fut après coup seulement que je songeai que peut-être, on allait se noyer tous les deux, une sorte de conclusion presque inévitable à cette soirée on ne peut plus douloureuse. Je serrais Mi Ae contre moi et cherchai le fond de mes jambes, fouillant l'eau d'un noir d'encre, mais il n'y avait rien. Et malgré la situation, je remarquai que Mi Ae s'accrochait à la bouteille comme si elle signifiait plus pour elle qu'un peu d'alcool à gober. Vraiment incroyable.

- YAH ! Tu veux nous faire tuer tous les deux ou quoi ?!

Décidément, j'allais devoir prendre un job à temps plein rien que pour surveiller cette nana ! La tenant fermement contre moi, je me mis à nager vers la plage. Heureusement, les vagues étaient juste assez puissantes pour m'aider, et pas assez pour nous enfoncer sous l'eau - enfin pas trop. Finalement je ne sus jamais vraiment comment on réussit à revenir sur la plage et qui remercier pour ça : le fait que j'étais en forme, que Mi Ae ne se débattit pas vraiment, que j'avais passé depuis longtemps mon brevet de secouriste ou que tout l'alcool que j'avais ingéré m'avait donné un coup de fouet. Enfin, je sentis le sable sous mes pieds, et je tirai Mi Ae hors de l'eau avant de la lâcher comme un sac, alors que l'eau nous arrivait encore aux genoux.

- On n'a qu'une vie ! Bordel, on n'a qu'une vie !

Pourquoi je criais ? Aucune idée, l'adrénaline sûrement. Et je réalisai avec horreur que mes mots faisaient écho à ceux de Young Nae quelques heures seulement auparavant. On n'avait qu'une vie. Mi Ae le savait, elle aussi. Mais je savais que l'alcool n'était pas le seul coupable, ça n'était qu'un levier sur lequel s'appuyer, par lequel on se faisait submerger. A mes pieds, Mi Ae avait l'air... malheureuse.

Je me laissai tomber à genoux à coté d'elle, et je réalisai que je ne savais pas quoi lui dire. C'était elle qui devait parler. C'était elle qui devait se délester de ce qui lui pesait au point de vouloir disparaître. Alors je passai un bras autour de ses épaules et la serrai contre moi, posant le menton sur ses cheveux mouillés et glacés.

- Qu'est-ce qui nous arrive, Mi Ae ? Toi et moi, on est vraiment que des idiots... on n'a qu'une vie, et on n'est même pas foutus d'en faire ce qu'on veut...

L'eau était froide. Glacée. Mi Ae sentait ça, cette caresse incisive le long de son corps, l'engloutissant petit à petit dans une étreinte mortelle. Insidieuse était la mer autour d'elle, d'un noir d'encre qui faisait tout disparaître, jusqu'au sable sous ses pieds quelques secondes en arrière seulement. Qui pouvait savoir ce qui se cachait dans de telles profondeurs ? Le cœur de la brune se serra dans un sanglot déchirant, laissant son corps se faire emporter doucement par les vagues, maintenant avec désespoir le rhum au-dessus de sa tête. Bouteille jetée à la mer, et le corps avec. A quoi bon résister contre des forces qui la dépasseraient de toute façon, quoiqu'elle fasse ? Inutile de se retourner, personne ne serait là pour la soutenir. Encore une fois. Sur sa tombe à elle, on ne pourrait lire qu'une chose : Est morte aussi seule qu'elle a vécu. Et cette fin, aussi étrange qu'elle soit, serait la bonne, celle qui permettrait au Prince Charmant de vivre avec l'amour de sa vie jusqu'à la fin des temps. Im Chang Min ne l'entrainerait pas involontairement dans ses sombres histoires; De fait, Sei Hwan ne se sacrifierait pas en la sauvant. De toute façon, ce gars était fou. Aucune personne sensée n'irait offrir sa vie en échange de la sienne, jamais. Sans doute était-ce pour ça qu'elle voulait à tout prix remercier Jun Ho pour l'avoir sauvée tout en sachant qu'en se faisant elle n'arriverait qu'à lui attirer des ennuis. Pourtant, quand le courant la retourna vers la plage, ses yeux s'écarquillèrent sur quelques larmes. Il était là, proche... Si proche qu'elle aurait put le toucher si elle le voulait. Encore une folie induite par l'alcool ? Non. Non, parce que la température de l'eau la faisait légèrement dégriser. Prendre conscience de ses paroles et de ses actes, assez pour se demander pourquoi il se trouvait tout contre elle, un bras autour de sa taille, les autres membres occupés à les ramener vers le sable fin et la lueur céleste qui le faisait rayonner d'argent à cette distance.

JUN HO ▬ YAH ! Tu veux nous faire tuer tous les deux ou quoi ?!
MI AE ▬ Pas... Toi... »

Douce apathie qui l'empêchait de réfléchir plus loin que cette simple constatation, celle qui lui chuchotait qu'il risquait sa vie pour la sauver elle, et non pas cette stupide bouteille. Qu'il était prêt à se sacrifier pour ça, prêt à rajouter un nouveau poids sur ses épaules frêles. Dans un nouveau sanglot, la brune accrocha l'un de ses bras à la nuque du jeune homme, incapable de résister mais tout aussi incapable de l'aider à rejoindre le rivage. Trop secouée pour ça, figée par la peur irrationnelle qui s'emparait de son esprit face à l'état instable dans lequel elle était. Encore. Encore. Encore ! Comme quoi, un nouveau monde ne faisait pas forcément de vous une nouvelle personne. Ce retour lui avait offert l'espoir, mais pas nécessairement les moyens de remettre ses sentiments en l'état de l'époque. Dans sa tête, vivants ou non, ceux qu'elle aimait ne pouvaient vivre que si elle leur offrait ce qu'ils avaient déjà perdus une fois. Quand la photographe sentit à nouveau ses jambes toucher le fond sableux, ce fut sans réelle surprise qu'elle se laissa tomber à genoux, le regard fixé vers l'île, troublé.

JUN HO ▬ On n'a qu'une vie ! Bordel, on n'a qu'une vie ! »

Qu'une vie... Ce cri, Miu l'entendit à l'infini, image d'un sombre écho qu'elle était persuadée d'avoir déjà entendu. Quand ? Où ? Aucune idée. L'alcool battait toujours dans son sang, sa tête tournait. Instinctivement, son corps s'était recroquevillé, comme pour éviter un coup qui aurait put venir avec la montée de volume de la voix de son protecteur. Pourtant, elle avait la conscience qu'il ne ferait jamais ça. Pas à elle, en tout cas, et ce malgré les baffes qu'elle se méritait régulièrement. Celle que n'importe qui d'autre lui aurait donné en cet instant, en fait. Non, lui... C'était autre chose. Sans en être pleinement conscient, il savait se faire rassurant tout en gardant un caractère entier, et c'est dans une certaine surprise anesthésiée que la belle se retrouva tout contre lui, tremblante sous la petite brise nocturne qui avait décidé de leur faire payer cette sortie maritime.

JUN HO ▬ Qu'est-ce qui nous arrive, Mi Ae ? Toi et moi, on est vraiment que des idiots... On a qu'une vie, et on n'est même pas foutus d'en faire ce qu'on veut... »

Entre rire amer et sanglot, l'ancienne âme passa son bras libre dans le dos de son sauveur et glissa le bout de ses doigts dans ses cheveux trempés. Frénétiquement désespérée, sans doute, à chercher sa chaleur en se lovant un peu plus fort contre lui.

MI AE ▬ Et si nous n'étions pas... Capables de le faire... Même avec plusieurs vies... ? »

En imitation presque parfaite, la cadette glissa son visage dans le creux de la nuque de son ainé, y frottant le bout de son nez froid comme un petit chat réclamant une caresse. Et si sa deuxième chance n'avait au fond aucun moyen d'aboutir sur une fin différente ? Si rien ne changeait et qu'elle devait revoir ceux qui habitaient son cœur mourir à nouveau, pourrait-elle y survivre encore ? Sans doute son esprit se disloquerait-il pour de bon dans la dépression, cette fois, sans espoir de retour du monde de la folie. Lentement, sa main se remit à bouger, caressant avec douceur les cheveux de Jun Ho. En effet, ils n'étaient rien de plus que des idiots. Des gamins perdus, incapables de réellement grandir tant que leur monde semblerait aussi flou que dur.

MI AE ▬ On doit... Réussir. »

Aussi tremblante que soit sa voix, elle semblait plus... Assurée. Bon, avouons, Mi Ae était encore très loin de ne plus être bourrée, mais le côté incompréhensible semblait avoir fait la part belle à une part plus sombre et, parallèlement, plus calme.

MI AE ▬ Racontes-moi... Je ne suis pas aveugle. Tu auras même droit à l'alcool. »

Trop généreuse comme proposition, sachant que c'était à lui à la base. Il n'empêche qu'elle ne l'avait pas lâchée, cette foutue bouteille, pas même durant le retour désespéré vers la terre ferme, et qu'elle avait même réussi l'exploit de sauver son contenu. De là à dire que le rhum n'était pas devenu légèrement salé entre temps, il fallait encore un cobaye pour vérifier ce détail.

Comme si nous serrer l'un contre l'autre pouvait nous sauver d'un péril inconnu, des ténèbres qui nous cernaient sans que nous soyons capables de nous défendre, notre étreinte se fit plus forte. Ses mains courraient dans mon dos, désespérées, s'attardant dans mes cheveux, nos deux personnes tentant de se fondre l'une dans l'autre peut-être dans l'espoir de disparaître. Un instant de souffrance, de tristesse intense, d'impuissance face au destin qui s'imposait à nos vies respectives. Le froid, enfin, s'imposa à moi, s'insinuant jusqu'au plus profond de mon être. Nos habits mouillés nous collaient à la peau, la brise, si douce tout à l'heure, s'était faite hivernale. La nature entière s'était liguée contre nous !

- Et si nous n'étions pas... Capables de le faire... Même avec plusieurs vies... ?

Sa main dans mes cheveux semblait rythmait ses paroles, des mots étranges, des idées étranges, tout était étrange ce soir, décidément. Entre elle et Young Nae, les filles se comportaient de façon bien singulière. Ça me donnait l'impression de ne rien comprendre, d'ignorer quelque chose de fondamental, qui m'aurait permis de les comprendre, d'empêcher Young Nae de disparaître dans la nuit sans se retourner, d'empêcher Mi Ae de se laisser engloutir dans les flots. Mais je n'avais simplement aucune idée de ce qui pesait si lourd dans le cœur de Mi Ae, alors comment pouvais-je bien l'aider ? En ce qui me concernait, avoir plusieurs vie était une idée qui ne me parlait pas tant que ça. C'était parce qu'elle était unique qu'on était censé la vivre à fond. A quoi bon si on avait des tas de nouvelles chances ? Si j'avais dix vies, je referai dix fois le même choix, je suivrai dix fois le même rêve.

- On doit... Réussir.

Réussir quoi ? Je secouai la tête, la relevai, la portant à moitié vers la plage, le sable sec et tiède, nous éloignant du ressac de la mer comme si elle pouvait encore se saisir de Mi Ae et l'entraîner vers l'oubli. Je l'assis dans le sable, commençai à tourner en rond à la recherche de petites branches pour faire un feu. J'avais jamais fait ça de ma vie, mais j'avais vu assez de séries télé pour avoir une vague idée de comment m'y prendre.

- Racontes-moi... Je ne suis pas aveugle. Tu auras même droit à l'alcool.

Je revins vers elle en ébauchant un sourire, creusant le sable devant elle, déposant mon petit tas de bois sec dedans.

- Je veux bien qu'on s'alcoolise encore jusqu'à ce qu'on tombe dans les vapes, mais promets-moi de ne plus t'approcher de l'eau.

Je sortis un zippo de ma poche et passai de longues minutes à tenter d'allumer mon petit feu, qui commença d'abord par plus fumer qu'autre chose, avant que quelques flammes timides lèchent enfin le petit bois. J'ôtai ma chemise trempée, puis mon débardeur blanc, les étalant plus ou moins sur la plage, et me saisis des habits que Mi Ae avait ôté avant d'aller se jeter à l'eau. Avant de m'asseoir à coté d'elle, je jetai son petit gilet sur ses épaules, à peine de quoi la réchauffer au moins en pensées. Je me laissai tomber à coté d'elle, me saisis de la bouteille de rhum et en bus une rasade. Salé. Mais toujours aussi fort.

- T'as des problèmes de cœur, Mi Ae ? Moi aussi si tu veux tout savoir. Maintenant que j'y pense, si on avait plusieurs vies, je pourrai vire mon rêve, et puis dans une deuxième vie, vivre avec mon âme sœur.

Je laissai échapper un soupir et passai la bouteille à Mi Ae, en la gardant à l’œil. Déjà, mon corps se réchauffait grâce au rhum, mais ça n'était qu'une illusion bien sûr, une chaleur venue de l'intérieur qui ne faisait que dissimuler la vérité, à savoir que j'avais froid. Que j'aurais dû avoir froid. Mais que l'alcool me cachait cette vérité là. A nouveau, les mêmes erreurs, en sachant que c'était une mauvaise idée, nous voilà qui buvions encore. La seule solution à nos soucis, pour le moment.

- Mais on n'a qu'une vie. Tout est une affaire de choix. Je crois que j'en ai fait un ce soir que je vais regretter longtemps... mais j'aurais regretté d'avoir choisi l'autre option. C'est sans fin...

Je me tournai vers elle, les bras croisés sur mes genoux, la joue posée sur mes bras.

- Tu dis des choses que tu devrais pas dire à ton âge. On est jeunes. Pourquoi est-ce que tout serait décidé d'avance ?